
Dans les territoires agricoles de Beni, Irumu et Mambasa, situés au Nord-Est de la République Démocratique du Congo, une tendance préoccupante se dessine : de nombreux agriculteurs délaissent les cultures vivrières pour se tourner massivement vers les cultures de rente, notamment le cacao et le macadamia.
Ces spéculations, très prisées sur les marchés internationaux, attirent les producteurs par leur promesse de rentabilité rapide.
Pour ce faire, plusieurs champs de bananes plantains, haricots, maïs et manioc, cultures pourtant essentielles à l’alimentation locale ; sont défrichés pour laisser place à ces nouveaux plants.
« On assiste à une destruction progressive des cultures vivrières dans plusieurs localités de Beni et Mambasa. Les agriculteurs, séduits par les bénéfices du cacao et du macadamia, choisissent souvent d’abandonner totalement ce qui nourrissait les communautés », explique Kambale Makwano, technicien agronome à l’Institut Supérieur des Techniques de Développement (ISTD) Kasindi.
Une ruée vers le profit avec des conséquences sociales et nutritionnelles graves
Derrière ce choix économique il y a de graves conséquences à moyen et long terme.
Dans les marchés de Komanda, Mambasa et même Kasindi, on observe déjà une hausse significative du prix des denrées de base.
Cette situation met en péril l’équilibre alimentaire de milliers de familles, surtout dans les zones rurales.
« La priorité donnée aux cultures de rente réduit la disponibilité des aliments locaux. Cela crée une dépendance vis-à-vis des importations, et les plus pauvres en paient le prix », prévient Kambale Makwano.
Nos recherches menées dans les localités de Makumo, Kainama, Eringeti et environs révèlent une baisse de près de 35 % des superficies cultivées en vivriers entre 2022 et 2024.
Cette tendance est accentuée par le manque de sensibilisation, l'absence de formation technique sur l'agriculture intégrée, et les pressions commerciales de certains acheteurs de cacao qui financent directement les paysans pour défricher les anciens champs vivriers.
Deux cultures qui peuvent pourtant coexister
Des études scientifiques démontrent que les cultures vivrières ne sont pas incompatibles avec celles de rente, bien au contraire : « Le cacao, par exemple, se cultive très bien sous ombrage. Il peut être associé aux bananiers, maniocs ou haricots, surtout durant les premières années de plantation », affirme Kambale Makwano qui ajoute que le macadamia aussi peut cohabiter avec des cultures vivrières, surtout lorsqu’on adopte une approche agroforestière.
D’autres études menées en Afrique de l’Ouest et dans certaines zones d’Asie du Sud par le CGIAR (Centre de recherche international), démontrent que l’agroforesterie, une combinaison entre arbres de rente et cultures vivrières, permet non seulement de préserver la sécurité alimentaire, mais aussi d’améliorer la santé des sols, de réduire les coûts de production et de garantir un revenu plus stable aux ménages agricoles : « Il faut former les agriculteurs à des techniques de production intégrée. Le défi n’est pas de choisir entre nourrir la famille et gagner de l’argent, mais d’apprendre à faire les deux intelligemment », conclut Kambale Makwano.
1 Commentaire
Joseph Seven - 19/07/2025 16:20 - Répondre
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