3 mois après sa dernière allocution publique, la toute première depuis qu’il a quitté le pouvoir il y a 6 ans ; Joseph Kabila s’est une nouvelle fois exprimé cette semaine, revenant sur la situation de crise en RDC.

Dans une déclaration rapportée en exclusivité par Jeune Afrique, l’ancien Président congolais a réitéré la sonnette d'alarme qu’il avait tirée sur l'état de plus en plus préoccupant de la Nation expliquant que ses propos d'aujourd'hui "se justifient par le fait que « la Nation se trouve à un moment décisif et que son avenir est en danger » : « Je parle, non par faiblesse ni par crainte pour mon destin personnel, mais par profonde inquiétude pour l'avenir de mon pays. Le simulacre de procès intenté contre ma personne, les arrestations de nombreux officiers supérieurs et la gouvernance téméraire qui prévaut dans le pays ne sont pas des événements isolés : ce sont les symptômes d'une crise plus profonde de leadership, de justice et d'orientation nationale », déclare-t-il.

Une gouvernance de répression qui met à mal la réconciliation nationale

Joseph Kabila poursuit indiquant que lors d'un récent séjour à Goma et Bukavu, il a rencontré des responsables religieux et des acteurs de la société civile qui lui ont fait part « de leur persécution et de leur abandon par le régime en place » : « Leurs appels demeurent sans réponse, leurs voix sont ignorées, tandis que l'administration actuelle s'accroche à l'illusion que des solutions bricolées apporteront la paix », souligne-t-il affirmant que la réconciliation « ne sera pas obtenue par des accords ou par des procès sélectifs. »

Pour lui, la véritable réconciliation exige un dialogue authentique, réunissant autour de la table toutes les parties prenantes (responsables religieux, société civile, communautés et acteurs politiques) : « Sans cela, le Congo restera prisonnier de cycles de violence et de contre-violence », pointe-t-il.

« L'histoire ne nous jugera pas sur les accusations que nous nous lançons les uns aux autres, mais sur le courage que nous montrerons à unir le peuple congolais et à répondre à ses véritables besoins. Nous avons toujours plaidé pour le dialogue, comme le meilleur moyen d'atteindre une réconciliation véritable, et non cosmétique. Cela avait été accompli en 2003, jusqu'à notre départ du pouvoir », explique Joseph Kabila qui martèle qu’aucune réconciliation véritable n'est possible « tant que les violations des droits humains, les poursuites politiques et la persécution de la société civile et des leaders de l'opposition persistent. »

L’ancien Président de la République alerte que si « ces politiques mal avisées se poursuivent » ; les conséquences dramatiques qui en découleront pour la Nation et la région seront de la seule responsabilité du régime en place : « J'exhorte les partenaires du Congo à regarder au-delà des apparences. Les procès, arrestations et persécutions en cours en RDC n'ont rien à voir avec la responsabilité ou la justice. Ils visent plutôt à consolider un pouvoir, à éliminer l'opposition et à détourner l'opinion publique de la corruption et de l'insécurité persistantes. Soutenir cette voie ne mènera pas à la paix. Elle n'apportera pas justice aux victimes. Elle ne fera qu'approfondir les divisions et affaiblir le Congo », ajoute-t-il.

Des violations du droit international et une dérive autoritaire

Pour Joseph Kabila, le régime de Tshisekedi a montré son mépris pour les normes internationales alors même qu’il réclame le soutien du monde.

Il illustre cela par des attaques lors d’une manifestation à Kinshasa d’une milice urbaine dénommée « Forces du Progrès » et proche de l’UDPS de Félix Tshisekedi contre plusieurs missions diplomatiques, y compris les ambassades des Etats-Unis, de la France, du Kenya, de l'Ouganda et du Rwanda ; un acte téméraire qui, selon lui, « a mis des vies en danger et violé la sacralité des enceintes diplomatiques. »

Joseph Kabila, qui s’est également exprimé sur le procès à son encontre, affirme que ce dernier ne sert qu'à détourner l'attention des nombreux cas de corruption, de mauvaise gouvernance, de tribalisme et de népotisme qui gangrènent l’entourage de Félix Tshiseedi : « Le peuple congolais connaît la vérité : sa famille et ses alliés politiques sont profondément impliqués dans le pillage des provinces riches en minerais du Katanga, siphonnant les ressources publiques tandis que les citoyens ordinaires continuent de vivre dans une pauvreté abjecte. Nul ne peut parler de justice en présidant à un vol systémique au cœur même de son régime », déclare-t-il.

Des suspicions et arrestations qui fragilisent l'armée nationale

L’ancien président de la République dénonce également l’arrestation et la détention sans procès de près de soixante officiers supérieurs de l'armée et de la police au cours des quatre dernières années ; certains étant morts en prison à la suite de tortures et du refus de leur accorder des soins médicaux vitaux : « Depuis juillet 2025, de nombreux hauts gradés — y compris l'ancien Chef d'État-major général des FARDC et Conseiller militaire en chef du Président de la République — ont été arrêtés, accusés d'avoir comploté pour l'assassiner et renverser le gouvernement. Ces hommes, qui ont consacré leur vie à la défense de la Nation, sont désormais étiquetés comme conspirateurs. Le régime est allé jusqu'à prétendre que des agences de renseignement étrangères auraient fourni les noms des prétendus putschistes. Pourtant, aucun processus judiciaire transparent n'a été engagé. Il est largement admis que ces arrestations relèvent de purges politiques visant à éliminer des figures soupçonnées de loyauté envers l'administration précédente », explique-t-il estimant que les conséquences de cette témérité sont graves.

Pour Josep Kabila, en persécutant ces commandants et officiers, le régime affaiblit les FARDC, l’armée nationale, mine le moral des troupes et menace la sécurité même de l'État : « Un dirigeant qui emprisonne injustement ses propres officiers et généraux ne renforce pas la République ; il la déstabilise », conclut-il.