Le piercing sur la langue s’impose peu à peu chez les jeunes en RDC, notamment dans les centres urbains du Nord-Kivu. 

Porté comme signe d’originalité ou d’expression personnelle, il s’affiche de plus en plus sur les réseaux sociaux.

Mais cette pratique ne laisse personne indifférent : Entre préoccupations médicales, condamnations religieuses, interprétations spirituelles et inquiétudes familiales ; les avis divergent.

Un phénomène qui divise surtout dans le milieu religieux

Une enquête menée auprès de dix jeunes, âgés de 19 à 25 ans, dans les villes d’Oicha, Beni, Butembo et Kasindi, met en lumière la diversité d’opinions autour de cette tendance.

Salama Kathaliko, l’une des participantes, alerte sur les risques : « Ça n'a pas d'importance ou ça peut affecter les vaisseaux de la langue et les nerfs de la langue ; puis entraîner une perte de sensations et de goût », explique-t-elle.

Les professionnels de santé rappellent en effet les dangers possibles que sont les infections, les hémorragies, les lésions nerveuses, la perte partielle du goût et, dans les cas extrêmes, l’obstruction respiratoire liée au gonflement de la langue.

Dans un tout autre registre, les milieux religieux se montrent fermes.

À Beni, un pasteur pentecôtiste qualifie cette pratique de rébellion spirituelle : « La langue est un organe sacré, destiné à bénir et non à être perforé pour suivre la mode. Derrière, il y a souvent un esprit de rébellion », lance-t-il soutenant que le piercing « viole l’intégrité du corps, considéré comme le temple de Dieu. »

Symbole spirituel et tabou social

Pour certains spiritualistes, la signification est différente. L’un d’eux évoque une dimension ésotérique : « Pour certains, c’est un sceau énergétique qui renforce la parole. Mais c’est aussi une porte ouverte aux forces que l’on ne maîtrise pas. Dans certaines traditions, ça sert de protection, dans d’autres, c’est un signe d’initiation », avance un spiritualiste ayant requis l’anonymat.

Dans les familles, en revanche, les inquiétudes se concentrent sur l’image et la réputation.

Un parent interrogé à Kasindi déplore : « Chez nous, ça donne une mauvaise réputation. On craint aussi que ça blesse la langue ou entraîne des infections. »

L’avis des jeunes

Parmi les dix personnes interrogées, cinq jeunes femmes se sont exprimées plus longuement. Josiane, 21 ans, de Beni, estime qu’il s’agit avant tout d’une affirmation personnelle : « C’est juste une façon d’exprimer ma personnalité. Si c’est bien fait et bien entretenu, il n’y a pas de problème », déclare-t-elle.

D’autres se montrent plus prudentes ; Merveille, 19 ans depuis Oicha, dit avoir renoncé après avoir vu une amie souffrir d’une infection.

Prisca, 24 ans à Butembo, explique attendre l’accord de son futur mari, tandis que Ruth, 22 ans à Kasindi, rejette l’idée, associée selon elle à une « mauvaise réputation ».

Agnès, 25 ans à Beni, dit en porter un depuis un an, sans complication, mais souligne l’importance d’une hygiène rigoureuse.

Une pratique au carrefour des regards

L’enquête met en évidence que le piercing sur la langue dépasse la simple esthétique : il soulève des enjeux médicaux, spirituels, sociaux et identitaires.

Symbole de liberté pour certains, signe de transgression pour d’autres, ; le piercing continue d’alimenter les débats dans les rues et dans les réseaux sociaux.

En définitive, chaque choix se fait à la croisée de la mode, des croyances et du regard des autres, confirmant que ce phénomène reste loin d’être anodin dans la société congolaise actuelle.