Par Jean-Claude Mutombo

Sous couvert d’une ambition humanitaire, la conférence sur la paix et la prospérité dans la région des Grands Lacs, tenue à Paris le 30 octobre 2025, a révélé les fragilités d’une diplomatie française essoufflée et les paradoxes d’un pouvoir congolais prisonnier de sa propre rhétorique souverainiste.

Une conférence confuse, reflet d’un malaise diplomatique

Présentée comme une étape décisive, la conférence de Paris s’est muée en un révélateur d’impuissance politique.

L’initiative, censée relancer une dynamique régionale, a souffert d’une ambiguïté originelle : humanitaire ou politique ? paix ou aide ? compassion ou stratégie ? Ce flou conceptuel a miné la crédibilité de la rencontre dès son ouverture.

Avec 1,5 milliard d’euros promis, la France a voulu incarner la générosité internationale. Mais cet engagement financier, détaché de toute vision politique, reste à mille lieues des réalités complexes des Grands Lacs. Ce n’est pas de fonds que la région manque, mais de cohérence.

Les maladresses françaises

“En voulant rassembler autour de l’argent, Paris a divisé autour des intérêts.”

La première erreur fut celle d’Emmanuel Macron. En annonçant sans concertation l’ouverture de l’aéroport de Goma, il a braqué plusieurs acteurs et alimenté la méfiance.

En alignant cette conférence juste après le Europe Gateway Forum 2025, la France a commis une faute de calendrier et de méthode.

L’absence du président angolais João Lourenço, président de l’Union africaine, et la réserve de Pretoria en disent long : Paris parle de l’Afrique, mais ne parle plus avec elle.

Dans sa quête de leadership, la diplomatie française n’a fait qu’affaiblir les dynamiques de Washington et de Doha, et brouiller les initiatives de paix déjà fragiles.

Les contradictions congolaises

Félix Tshisekedi, figure centrale du conflit, a dénoncé “l’occupation d’une partie du territoire congolais” et exigé “le retrait de l’AFC/M23 et des forces étrangères”.

Mais en évitant soigneusement de nommer le Rwanda, il s’est piégé dans ses propres contradictions.

Comment exiger la clarté des opposants à ce sujet quand on s’en dispense soi-même ? 

Tshisekedi invoque la résolution 2773 du Conseil de sécurité, tout en refusant toute négociation directe.

Kinshasa se ferme aux médiations régionales, s’isole de ses voisins et s’enferme dans un nationalisme rhétorique sans traduction concrète.

Le Congo parle haut, mais agit peu. Il revendique la souveraineté tout en dépendant de l’aide internationale : un paradoxe que le président congolais incarne à la perfection.

“Souveraineté proclamée, dépendance assumée : le Congo reste pris entre fierté et impuissance”

Derrière les mots, le flou demeure. Tshisekedi négocie sans négocier, promet sans agir, dénonce sans ouvrir de voie politique en interne comme à l’extérieur.

Peu à peu, il s’isole sur la scène diplomatique, prisonnier d’une posture de fermeté sans efficacité.

Le tournant du désenchantement

Au terme de cette rencontre, un constat s’impose : la conférence de Paris a davantage exposé les fractures qu’elle n’a rapproché les acteurs.

Elle marque un tournant, celui du désenchantement diplomatique français en Afrique et de la perte d’influence d’un pouvoir congolais qui ne sait plus choisir entre résistance et ouverture.

La France a voulu jouer les bons offices, mais a fini par orchestrer une réunion sans ligne claire.

Les absences remarquées de l’Angola, de l’Afrique du Sud et d’autres acteurs régionaux clés ont envoyé un message limpide : Paris n’est plus le lieu où se décidera la paix des Grands Lacs.

Par Jean-Claude Mutombo