Messe noire de l'Union sacrée : Que dire ?

Par Claudel Lubaya

Le comité central du parti-État, autrement appelé Mouvement populaire de l'Union Sacrée contre la Nation (USN), a célébré dans l'allégresse, sa messe noire le week-end dernier à Kinshasa. 

Cet événement suscite de vives inquiétudes car il a été vécu comme un retour aux pratiques du défunt MPR, notamment parce qu'il s'est déroulé dans les installations de l'État et a été vraisemblablement financé par celui-ci en violation de l'article 25 de la loi sur les partis politiques qui interdit formellement à tout parti d'utiliser les biens et le personnel de l'Etat.

En agissant ainsi, ce rassemblement, aux allures de « spectacle folklorique » n'a pas seulement avivé les mauvais souvenirs. Il a ouvertement mis en doute la légitimité de l'organisation elle-même.

Dans un mélange qui n'est ni idéologique, ni politique encore moins organisationnel, tous les caciques indistinctement, s'étaient donné rendez-vous pour vendre à l'opinion, non sans hypocrisie, l'image d'une unité et une loyauté de façade au Président fondateur qui en avait grandement besoin.

L'allocution du président fondateur du Mouvement populaire de l'USN a été particulièrement marquante par sa répétition du mot « loyauté », martelé une vingtaine de fois. Cette insistance pourrait trahir une certaine insécurité de sa part, voire une méfiance.

Son discours est révélateur : lui-même ayant trahi ses anciens alliés, il est désormais cerné par les mêmes figures politiques qui ont également renié leur allégeance inconditionnelle à leur ancien mentor.

L'honorable André Mbata, autrefois opposant à Joseph Kabila, ancien président de la république (2001 - 2018), avait dénoncé avec force la confusion des genres sous l'ancien régime.

Se revendiquant de constitutionnaliste, il avait qualifié de « diabolique » la transformation du gouvernement en une plateforme politique dirigée par le président de la République, agissant comme « autorité morale ».

Ironie du sort, ce même André Mbata est aujourd'hui le secrétaire permanent de l'USN, une plateforme qui reproduit exactement ce qu'il condamnait hier.

L'USN a happé l'État et littéralement englouti toutes les institutions de la République : le gouvernement, le parlement, les entreprises publiques, les assemblées provinciales, les gouvernements provinciaux, etc.

Sous l'USN, les institutions sont subordonnées à la personne du président et leurs animateurs, bridés. Ils ont, pour leur survie, la flatterie comme sauf-conduit, l'opportunisme comme mérite.

Les cadres de l'administration, les représentants de l'État à tous les niveaux sont tenus de manifester une loyauté sans réserve au président fondateur.

C'est tout le contraire du patriotisme tant clamé par tous, puisque dans la pratique, le président passe au-dessus de la patrie, dans l'entendement de ses partisans.

Le congrès du Mouvement populaire de l'USN a également servi de tribune à son fondateur pour exposer sa vision du pouvoir et de la gouvernance.

Pour ceux qui doutaient encore de la nature réelle du pouvoir en place : il s'agit bel et bien d'une dictature de l'homme seul, l'alpha et l'oméga de la nation, obsédé par l'ambition de personnalisation et de conservation du pouvoir d'État. Tout émane de lui, et l'avenir du pays dépend de sa seule volonté.

Au détour d'un populisme morne qu'il affectionne tant, il n'a manqué au tout puissant président fondateur du Mouvement populaire de l'USN que la toque de léopard pour jouir avec un cynisme enjoué, les notes sibyllines de derniers tubes du djalelo exécutées en son honneur par des caciques vêtus à son effigie et qui en réalité ne croient pas en lui mais font semblant pour des raisons évidentes.

Imbu de lui-même, il se croit désormais seul détenteur de la légitimité patriotique. Il détient par devers lui, le patriotomètre.

Lui seul peut jauger le niveau de patriotisme de chacun et dire qui est patriote et qui ne l'est pas. Hallucinant.

Tous ceux qui évoquent l'illégitimité congénitale de son pouvoir et sa gouvernance préjudiciable sont qualifiés de « traîtres » qui selon lui, « freinent le développement du pays » ! Cette rhétorique soulève des questions.

Le président peut-il sérieusement accuser d'autres de trahison alors que dès son premier mandat, il a lui-même affirmé haut et fort et décrété que « les rétro commissions », en d'autres termes, la corruption, n'étaient ni un délit, ni un crime moins encore un scandale ?

Après sept (7) ans au pouvoir, il n'y a plus d'illusion sur son implication dans les détournements des ressources du pays. Comme l'a implicitement révélé son ancien Ministre des finances, Nicolas Kazadi, le président est le seul responsable, politiquement et moralement, de cette situation.

C'est sous sa direction que le pays s'est enfoncé dans une descente aux enfers. Son laxisme complice face à la corruption et à la concussion a été un facteur clé.

Il instrumentalise la justice, ferme les yeux sur le détournement des soldes des militaires et des fonds destinés à l'effort de guerre.

Lui et son entourage se considèrent-ils plus patriotes que les autres au point de se voir comme les seuls serviteurs de la nation ? Qui d'autre que lui couvre d'impunité, les voleurs en les qualifiant de « père de famille à ne pas jeter en pâture » ? Tous les scandales politico-financiers mis au jour par I'IGF et par son ancien ministre des finances, Nicolas Kazadi, sont des indicateurs clairs d'une mafia organisée au sommet de l'Etat par le président.

Malgré un manque de légitimité flagrant et son incapacité pathologique à garantir l'intégrité du territoire et la sécurité de ses concitoyens, le président fondateur du Mouvement populaire de l'USN persiste dans une posture autoritaire.

Sa vision est de soumettre le pays à un parti unique (USN), une pensée unique (la sienne) et un chef unique (lui-même, Sese Seko, 100 ans au pouvoir).

Ce retour à un régime de type mobutiste, ou Sékou Touré, où l'homme fort reste au pouvoir pour des décennies, est voué à l'échec.

Le peuple congolais avait déjà rejeté ce modèle, que ce soit sous Mobutu ou sous les régimes qui l'ont suivi.

Le congrès de l'USN : quelles leçons tirer ?

1. Le congrès de l'USN a mis en lumière un fait troublant : le Président de la République a délibérément choisi d'assumer un rôle actif au sein de sa plateforme.

Cette décision viole l'article 96 de la Constitution qui établit l'incompatibilité de ses fonctions avec toute responsabilité au sein d'un politique.

De plus, il a dirigé plusieurs réunions de l'USN, des événements diffusés et relayés sur le compte officiel de la présidence de la république.

Il s'agit de la haute trahison au regard de l'article 165 de la Constitution. Je rappelle au président de la république qu'une Constitution n'est pas un texte anodin pour être violé en fonction de ses états émotionnels changeants.

Elle est l'acte fondateur d'un ordre politique, la charte qui régit l'organisation de l'État, son fonctionnement et ses institutions.

Elle est censée protéger les citoyens contre l'arbitraire, incarner la souveraineté du peuple et transcender les ambitions personnelles.

2. Le congrès de l'USN révèle une volonté claire de modifier la Constitution. L'USN cherche à asseoir un pouvoir monolithique et une gouvernance perpétuelle et pérenne, sous le prétexte fallacieux de stabilité. Cette ambition met en péril l'essor démocratique du pays.

Cette intention a été clairement exprimée par le ministre Paluku, un habitué des revirements politiques.

Dans une longue publication sur X, il a affirmé que l'objectif de l'USN est de créer une force politique capable de conserver le pouvoir de façon permanente afin d'assurer la continuité de l'action publique. 

Pour justifier cette approche, il a évoqué les exemples de l'ANC en Afrique de Sud et de la CCM en Tanzanie, des partis qui ont réussi à stabiliser leur système autour de leur hégémonie.

Une telle orientation est en contradiction flagrante avec les principes démocratiques.

Pour mettre en œuvre un tel système politique, il n'y a qu'une solution : un changement de la Constitution.

Ce projet soulève de sérieuses questions sur l'avenir de la démocratie dans le pays, et semble marquer un retour en arrière vers des pratiques autoritaires.

3. Lors de son monologue au congrès de l'USN, le président a clairement et simplement rejeté le dialogue proposé par la mission CENCO-ECC. C'est son choix souverain.

Cette décision unilatérale entrave les efforts de médiation et de réconciliation, et le président en est le seul responsable.

4. Le président a également affiché son refus de toute initiative étrangère de recherche de paix en RDC.

Cette position isole le pays, compromet non seulement la résolution des conflits mais elle contredit également les accords précédemment signés, comme celui négocié sous la médiation américaine avec le Rwanda, y compris le processus de DOHA. Il n'en veut pas.

En adoptant une telle posture, Félix Tshisekedi engage le pays sur une voie périlleuse dont il devra répondre devant l'histoire.

Le pays s'achemine inexorablement vers 2028, marquant la fin du mandat du président fondateur de l'USN.

Dans cette perspective, la priorité absolue est de restaurer l'intégrité du territoire, rétablir la confiance et préserver la nation.

Il est impératif de mettre en place les réformes électorales sérieuses et consensuelles pour maintenir la trajectoire républicaine de notre nation, garantir la tenue d'élections en 2028 et ainsi assurer la continuité démocratique du pays.

La crise actuelle exige un sursaut collectif et un minimum de lucidité de la part de tous les acteurs.

Par Claudel Lubaya