![[Tribune] : Après Pourquoi j’ai choisi Kabila, Kamerhe écrira-t-il Pourquoi j’ai voté Tshisekedi ?](/media/posts/68c9c769da0b5543275356.jpeg)
Par Fred MASTAKI
En 2006, Vital Kamerhe, alors directeur de campagne du candidat Joseph Kabila, publiait un ouvrage intitulé Pourquoi j’ai choisi Joseph Kabila. Ce livre, à la fois plaidoyer politique et manifeste idéologique, exposait les raisons de son soutien à celui qu’il présentait comme l’homme de la paix et de l’unité nationale. Par ce geste, Kamerhe inscrivait son choix dans l’histoire politique congolaise, offrant à Kabila une légitimation intellectuelle rare dans un pays où les alliances sont souvent dictées par les circonstances.
Près de vingt ans plus tard, une question s’impose : Vital Kamerhe, aujourd’hui président de l’Assemblée nationale et allié de Félix Tshisekedi, pourra-t-il, au soir de sa carrière, justifier avec la même conviction un ouvrage intitulé Pourquoi j’ai voté Tshisekedi ?
Le poids d’un livre, la légèreté des alliances
L’ouvrage de 2006 demeure l’une des rares traces écrites de la pensée politique de Kamerhe. Mais son parcours ultérieur a montré combien ses alliances sont fragiles. En 2009, il rompt avec Kabila et crée l’Union pour la Nation Congolaise (UNC). En 2018, il revient au-devant de la scène en scellant l’accord de Nairobi avec Félix Tshisekedi, donnant naissance à la coalition CACH qui porta ce dernier au pouvoir.
En 2020, son arrestation et sa condamnation dans le dossier des « 100 jours » semblèrent sonner la fin de sa carrière. Mais sa libération, puis son retour en force au sommet de l’État en 2023, illustrent sa résilience autant que l’ambiguïté de ses trajectoires. Pour ses partisans, c’est le signe d’une intelligence stratégique ; pour ses détracteurs, la marque d’une versatilité dictée par la survie politique.
Le nœud de la rupture avec Joseph Kabila
La fracture entre Kabila et Kamerhe date de 2009. Alors président de l’Assemblée nationale, Kamerhe s’oppose publiquement à l’entrée massive des troupes rwandaises au Nord-Kivu, dans le cadre d’opérations conjointes contre les FDLR. Là où Kabila invoquait une coopération sécuritaire, Kamerhe dénonçait une atteinte à la souveraineté nationale.
Ce désaccord, inédit dans le sérail présidentiel, lui valut d’être poussé à la démission. Ce fut le point de départ de son chemin d’opposant, jusqu’à se présenter contre Kabila à la présidentielle de 2011. Cette rupture montre que ses choix ne furent pas uniquement opportunistes, mais aussi guidés par une certaine idée de la souveraineté même si ses revirements ultérieurs ont brouillé cette image.
Une motion révélatrice
Le 15 septembre 2025, une motion de défiance a été déposée contre Kamerhe à l’Assemblée nationale. Signée par plus de 260 députés, elle l’accuse d’incompétence et de perte de légitimité. Au-delà de la procédure parlementaire, c’est la solidité de ses alliances qui est en jeu, ainsi que sa capacité à incarner un consensus.
Cette crise survient à un moment où l’opinion publique s’interroge : Kamerhe est-il encore un allié fiable de Tshisekedi ou prépare-t-il, comme par le passé, un nouveau tournant de son parcours politique ?
Héritage et cohérence des choix
Dans Pourquoi j’ai choisi Joseph Kabila, Kamerhe insistait sur la paix, la reconstruction et la continuité de l’État. Mais aujourd’hui, au cœur du pouvoir de Félix Tshisekedi, ces valeurs se heurtent aux réalités d’un régime traversé par les querelles internes et les rivalités de clans.
Écrire un jour Pourquoi j’ai voté Tshisekedi supposerait qu’il démontre que son alliance actuelle dépasse le calcul électoral et incarne une vision politique cohérente. Cela exigerait une justification forte, ancrée dans l’histoire, et non un simple épisode de stratégie.
Une leçon pour la classe politique congolaise
L’itinéraire de Kamerhe illustre une constante : la difficulté de fonder les alliances sur des principes clairs et durables. En RDC, les textes publiés par les acteurs politiques deviennent souvent des archives déconnectées de leurs pratiques ultérieures. La crise actuelle rappelle que la légitimité ne se mesure pas seulement dans les livres, mais dans la constance des actes et la confiance des citoyens.
Conclusion : un avenir à écrire
La motion de défiance contre Vital Kamerhe ouvre une nouvelle phase d’incertitude. Si elle aboutit, elle fragilisera son autorité et sa place dans l’alliance au pouvoir. Mais s’il parvient à surmonter cette épreuve, il pourrait encore espérer écrire un nouveau chapitre de sa carrière peut-être même un livre, Pourquoi j’ai voté Tshisekedi, à condition que ses choix d’aujourd’hui paraissent demain aussi justifiables que ceux de 2006.
Dans un pays où l’histoire politique s’écrit autant dans les urnes que dans les couloirs du Parlement, Kamerhe a encore à prouver que sa plume peut peser aussi lourd que ses alliances.