
De nombreuses préoccupations sont soulevées après la signature d’un accord de paix préliminaire entre la RDC et le Rwanda sous la médiation des Etats-Unis, portant essentiellement sur des enjeux politiques, sécuritaires et économiques, et qui vise à parvenir à une issue pacifique à la crise en cours en RDC, marquée notamment par la guerre contre le M23 dans l’Est du pays.
Critique vis-à-vis des médiations du Qatar et des USA qu’il juge « opaques », Denis Mukwege, qui se montre par ailleurs favorable à toutes les initiatives visant à une paix juste et durable pour mettre un terme à la souffrance inouïe de la population civile due à la guerre d’agression, d’occupation et de pillage des ressources naturelles que traverse la RDC ; a une fois de plus fait remarquer que cet accord de paix préliminaire « reste vague » : « Nous réitérons notre circonspection face à des efforts de médiation qui éludent la reconnaissance de l’agression de la RDC par le Rwanda et un processus caractérisé par son caractère opaque et non inclusif, qui laisse à penser qu’il est à l’avantage de l’agresseur non sanctionné, qui verra ainsi ses crimes du passé et du présent blanchis en « coopération économique », soutient-il dans une déclaration publiée sur X.
Pour le Prix Nobel de la Paix, dans l’état actuel, cet accord octroie « une prime à l'agression, à légitimer le pillage des ressources naturelles congolaises et à contraindre la victime à aliéner son patrimoine national en sacrifiant la justice en vue de garantir une paix précaire et fragile. »
Réflexions sur la déclaration conjointe du 18 juin au sujet des pourparlers de paix entre la République démocratique du Congo et la République du Rwanda, sous la médiation des États-Unis et sous l'observation de l'État du Qatar.
— Denis Mukwege (@DenisMukwege) June 19, 2025
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Nous avons pris connaissance… pic.twitter.com/fF4LshSxbS
« Le conflit en cours, qui s’inscrit dans la continuité de trente ans de guerres d’agression et de la commission d’une pléthore de crimes internationaux, ne pourra se résoudre sans placer la lutte contre l’impunité et le recours à tous les mécanismes de la justice transitionnelle au cœur des efforts de pacification. Envisager une intégration économique et une cogestion des ressources naturelles avec un État agresseur à la base du pillage systématique des ressources minières et de millions de morts sans parler de justice et de réparations est inconcevable pour la population congolaise en général et les communautés martyres de l’Est du Congo en particulier. La justice est non négociable et les richesses du sous-sol congolais ne peuvent être bradées de manière opaque dans le cadre d’une logique extractiviste néocoloniale. La paix ne peut se réduire à faire taire les armes, à obtenir un armistice et à faire du business car pour être juste et durable, elle ne peut faire l’économie de la justice, du respect des droits humains et du droit international », a-t-il expliqué réitérant qu’il est crucial de recourir à la justice transitionnelle pour prévenir la répétition des conflits et des violations graves des droits humains et du droit international humanitaire et instaurer une paix durable en RDC.
« La justice, la vérité et des réparations constituent des préconditions à la réconciliation et à la cohabitation pacifique au sein des pays des Grands Lacs africains. Aucun accord ne doit passer sous silence les massacres à grande échelle qu’a subi la population civile congolaise, les viols commis sur des centaines de milliers de femmes, et les déplacements forcés de millions de personnes », a-t-il poursuivi se disant réservé vis-à-vis de l’approche bilatérale privilégiée par la diplomatie américaine face à une crise dont la dimension est largement régionale, avec la présence de diverses armées étrangères, dont celles de l’Ouganda et du Burundi, et entretenue par des intérêts géostratégiques qui touchent au fonctionnement de l’économie mondiale.
Denis Mukwege estime donc que la conclusion d’un accord bilatéral « n’aura donc pas vocation à consolider une paix durable. »
« Nous exhortons les acteurs impliqués à privilégier une approche multilatérale, et à assortir les appels au cessez-le-feu et au retrait des forces d'occupation d'un calendrier ferme et de sanctions fortes et coordonnées en cas de non-respect persistant de la résolution 2773 du Conseil de sécurité », a-t-il conclu appelant par ailleurs à revitaliser l’Accord Cadre de 2013 pour la paix, la sécurité et la coopération pour la RDC et la région, et à organiser une conférence internationale de haut niveau, avec la facilitation des institutions et des pays garants.
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